Découverte d’un nouveau mécanisme de tolérance des plantes au sel

May, 2003

La plupart des plantes, en particulier les plantes de grande culture, sont sensibles à la présence de sel (chlorure de sodium : NaCl) dans le sol.
Environ 15% des terres cultivées présentent un excès de sel. Chaque année dans le monde, près de 10 millions d’ha de terres cultivables sont perdus du fait de l’accumulation au cours du temps de petites quantités de sel contenues dans l’eau d’irrigation.
A ce jour, deux grandes stratégies de résistance au sel étaient connues chez les plantes : limiter l'entrée de sodium au niveau des racines ou séquestrer le sodium au niveau des feuilles.
Les chercheurs d'une Unité associée (INRA - CNRS - Université - Ecole nationale supérieure agronomique de Montpellier), en collaboration avec des chercheurs anglais et japonais, ont découvert un nouveau mécanisme de tolérance au sel : la plante protège ses feuilles, donc sa capacité de photosynthèse, en ré-exportant le sodium des feuilles vers les racines par le flux de sève descendant, de façon à rendre possible une ré-excrétion dans le sol. Les chercheurs ont identifié le gène qui permet ce transport de sodium des feuilles vers les racines chez l’espèce modèle Arabidopsis thaliana. La modification de ce gène affecte fortement la résistance de la plante au sel. Il est donc raisonnable de penser que l'on pourra renforcer cette résistance en augmentant l’expression de ce gène.
Cette étude a été publiée dans Embo Journal du 1er mai 2003 1.

A certaines doses, variables selon les plantes, le sel (chlorure de sodium : NaCl) devient toxique.
Les plantes développent plusieurs stratégies pour limiter le stress salin. Jusqu'à ce jour, on en connaissait essentiellement deux, qu'on peut qualifier d' "exclusion" et d' "inclusion":

  • "l'exclusion" : la plante empêche le sel de remonter jusqu'aux feuilles. Une première barrière existe au niveau de l'endoderme, couche interne de cellules de la racine. Cependant, cette barrière peut être interrompue, en particulier lors de l'émergence des ramifications de la racine. D'autres mécanismes limitent le passage de sel des racines vers les feuilles mais les gènes qui les gouvernent sont encore largement inconnus.

  • "l'inclusion" : la plante capte le sel, qui parvient aux feuilles, au même titre que l'eau, par le mouvement ascendant de la sève dans les vaisseaux. A l'intérieur des cellules, le sel est alors stocké dans les vacuoles grâce à des systèmes de "pompes" moléculaires. Les vacuoles sont des compartiments fermés au sein de la cellule. Le sel est ainsi isolé des constituants cellulaires vitaux.

Les travaux des chercheurs de Montpellier mettent à jour un nouveau type de mécanisme de résistance au sel, intermédiaire entre les stratégies d'exclusion et d'inclusion : le sel parvient jusqu'aux feuilles, mais il est aussitôt "re-pompé" et reconduit par les vaisseaux vers les racines, qui peuvent le ré-excréter à l'extérieur. Cette découverte, non seulement bouleverse les schémas acquis, mais ouvre de nouvelles possibilités pour améliorer la résistance des plantes au sel.

Les chercheurs ont travaillé sur Arabidopsis thaliana, petite plante de la famille des moutardes, sans intérêt agronomique mais choisie depuis une vingtaine d’années par la communauté internationale comme modèle d’étude.
Pour identifier de nouveaux gènes impliqués dans la résistance au sel, les chercheurs ont utilisé une collection de plantes mutées par voie chimique. Parmi ces mutants, ils ont repéré ceux qui sur-accumulent du sel dans les feuilles lorsqu’ils sont cultivés en présence de sel. On peut en effet penser que chez ces plantes, la mutation a altéré un gène dont la fonction est d’éviter cette accumulation de sel.
C'est ainsi que les chercheurs ont isolé un nouveau gène.

Une étude de la fonction de ce gène d'Arabidopsis a été réalisée. Il s'agit d'un gène codant pour un transporteur de sodium, qui s'exprime seulement dans le tissu vasculaire appelé phloème qui conduit la sève élaborée des feuilles vers les racines. Lorsque ce gène est muté, il ne produit plus normalement le transporteur et on peut observer une accumulation de sodium dans les feuilles et une diminution dans les racines. La plante mutante est beaucoup plus sensible au sel que la plante normale et meurt rapidement en cas de stress salin. A l’inverse, il est raisonnable de penser que l'on pourra renforcer la résistance de la plante au sel en augmentant l’expression ce gène.

Environ 15% des terres cultivées présentent un excès de sel. La pratique de l'irrigation dans les régions chaudes, même avec de l'eau de qualité, se traduit par une salinisation progressive des sols parce que le sel apporté par l'eau s'accumule d'année en année. A l'échelle de la planète, ce sont pas moins de 10 millions d'hectares de terres agricoles qui sont abandonnés de ce fait chaque année. Dans certaines régions, par exemple en Californie, Arizona, Espagne ou au Moyen-Orient, ce problème devient crucial. Améliorer la résistance des plantes cultivées au stress salin est donc un objectif majeur des agronomes.
Les différentes voies explorées précédemment pour ce faire concernent essentiellement les mécanismes que nous avons qualifiés d' "inclusion". Dans certaines études, les auteurs ont essayé de surexprimer chez la plante un système de pompage du sodium, isolé chez la levure et permettant une meilleure séquestration du sodium dans les vacuoles des cellules. D'autres programmes ont essayé de favoriser la production dans les cellules de molécules protectrices contre les effets déstructurants du sel.
Le mécanisme mis à jour ici offre de nouvelles perspectives. Les résultats obtenus indiquent que, chez Arabidopsis, la modification d'un seul gène affecte fortement la résistance de la plante au sel. Ce gène présente des ressemblances avec un gène de blé codant pour un transporteur sodium-potassium, ce qui laisse présager une application pour les plantes cultivées.

1 Berthomieu P., Conéjéro G., Nublat A., Brackenbury W.J., Lambert C., Savio C., Uozumi N., Oiki S., Yamada K., Cellier F., Gosti F., Simonneau T., Essah P.A., Tester M., Very A-A, Sentenac H., Casse F. 2003. Functional analysis of AtHKT1 in Arabidopsis shows that Na+ recirculation by the phloem is crucial for salt tolerance. Embo Journal 22, 2004-2014

INRA news release
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