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Blé tendre ou blé dur : une histoire de chromosomes
Paris, France
April 4, 2005

Source: INRA - CNRS – Université Evry – Genoscope-CNS – Génoplante – Genopole®

La comparaison des génomes de plusieurs espèces de blé, depuis leurs formes sauvages jusqu'aux formes cultivées utilisées aujourd'hui, nous éclaire sur des mécanismes génétiques originaux liés à l'évolution de cette céréale.

Ce travail, coordonné par l'INRA, dont le détail est publié dans le numéro d’avril 2005 de The Plant Cell, a permis de déterminer pour la première fois que des mécanismes de réarrangements chromosomiques par recombinaison illégitime d’ADN, conséquence de la polyploïdie (doublement ou agrégation du génome), ont eu un impact crucial sur l’évolution du génome du blé et de ses caractéristiques. Ils ont notamment permis d’aboutir au caractère dur du grain de blé, utilisé dans l’industrie des pâtes, une nouvelle polyploïdisation conduisant ensuite au caractère tendre du blé panifiable.

La plupart des plantes et des animaux ont deux jeux de chromosomes dans leurs cellules, on les appelle diploïdes. Dans certaines conditions, ce nombre de jeux de chromosomes peut être augmenté par agrégation des génomes au cours de croisements entre espèces, on parle alors d'espèces polyploïdes. La polyploïdie joue un rôle très important dans l’évolution des plantes et constitue un mécanisme de diversification et de création de variabilité génétique. La majorité des plantes, y compris les plantes cultivées sont des polyploïdes : le colza, le blé, le cotonnier, le tabac... D’autres, comme le chou ou le maïs dérivent d’ancêtres polyploïdes. Les raisons du "succès" de la polyploïdie chez les plantes ne sont pas élucidées. Par ailleurs la polyploïdie est propice à des réarrangements chromosomiques importants dont les chercheurs connaissent très peu les bases moléculaires.

Le blé, champion au jeu de la multiplication des chromosomes

La domestication et la culture des différentes espèces de blé (Triticum et Aegilops) a été un élément fondateur des premières civilisations humaines dans le croissant fertile. Ces différentes espèces de blé ont subi des transformations au fil du temps, les faisant passer de l'état de graminées sauvages aux espèces cultivées. Deux principales espèces de blé sont encore cultivées : le blé tendre utilisé pour le pain et le blé dur pour les pâtes.

Ces différentes espèces de blé ont été générées par des événements successifs de polyploïdisation intervenant après des croisements interspécifiques entre trois espèces ancestrales diploïdes.

Le premier événement, impliquant Triticum monococcum et Aegilops speltoides, a eu lieu il y a environ 500 000 ans et a conduit à l’apparition du blé dur tétraploïde : Triticum turgidum (ou blé à pâtes).

Le deuxième événement de polyploïdisation a eu lieu au cours de la domestication, il y a environ 9000-12000 ans, entre le blé dur cultivé (tétraploïde) et un autre blé diploïde (Aegilops tauschii) et a donné Triticum aestivum, le blé tendre panifiable actuel (ou blé à pain). Il est hexaploïde c'est-à-dire qu'il comporte 6 jeux de chromosomes.

Le caractère "grains tendres" a disparu et ré-apparu

Ces différentes espèces de blé constituent un excellent modèle pour l’étude de l’évolution des génomes des plantes sous la pression de la polyploïdisation, de la domestication et de la sélection par l'homme.

L'examen par les chercheurs de l'évolution d'une des plus "célèbres" régions chromosomiques du blé, le locus Ha (hardness) qui contrôle la dureté du grain, leur a permis de reconstituer l'histoire et les conséquences des additions successives de jeux de chromosomes du blé. Ce locus revêt une importance cruciale car sa présence ou son absence explique la différence majeure qualitative entre le blé tendre panifiable (blé hexaploïde) et le blé dur ou blé à pâtes (tétraploïde).

Deux gènes au niveau du locus Ha contrôlant le caractère «grain tendre» sont présents chez toutes les espèces diploïdes ancestrales du blé. En revanche, ils ont été perdus chez le blé tétraploïde (T. turgidum) conduisant au caractère "grain dur". Ce caractère porté par un locus équivalent a été "réintroduit" grâce au blé diploïde (Ae. tauschii) lors du deuxième événement de polyploïdisation avec T. turgidum pour donner le blé hexaploïde (T. aestivum). C'est ainsi que nous pouvons utiliser actuellement le blé tendre panifiable.

Des réarrangements chromosomiques que l'on croyait impossibles

C'est par la comparaison des séquences génétiques des espèces de blé diploïdes, tétraploïdes et hexaploïdes que les chercheurs ont élucidé les bases moléculaires des événements évolutifs observés au niveau du locus Ha.

L’analyse comparée leur a permis de déterminer l’étendue des régions réarrangées, leurs séquences ainsi que les sites de réarrangements. Ils ont notamment montré que la perte du locus Ha dans l’espèce de blé tétraploïde (T. turgidum) est due à des pertes de fragments génomiques importants provoquées par des réarrangements entre chromosomes différents.

Cette étude originale suggère que les recombinaisons illégitimes de l’ADN lors des événements de polyploïdisation constituent des mécanismes majeurs de l'évolution des espèces sous pression de polyploïdie.

Ce travail a bénéficié des avancées des recherches en génomique du blé, accélérées grâce au consortium Génoplante. C'est le premier résultat d’un projet de collaboration plus vaste entre l’unité mixte de recherche en génomique végétale (URGV) INRA-CNRS-Université d'Evry et le Genoscope-Centre national de séquençage (CNRG) (tous situés sur le campus de Genopole® Evry). L’objectif est de comprendre l’effet de la polyploïdie et de la domestication sur l’évolution des génomes du blé.

(Site du projet : http://www.genoscope.cns.fr/externe/Francais/Projets/Projet_LE/LE.html).

Référence de l'article :

"Molecular Basis of Evolutionary Events That Shaped the Hardness Locus in Diploid and Polyploid Wheat
Species (Triticum and Aegilops)"
The Plant Cell - April 1, 2005; 17 (4) http://www.plantcell.org/future/17.4.shtml
Auteurs : Nathalie Chantret (a), Jerome Salse (b), François Sabot (c) Sadequr Rahman (d) Arnaud Bellec
(b), Bastien Laubin (c), Ivan Dubois (e), Carole Dossat (e), Pierre Sourdille (c), Philippe Joudrier (f),
Marie-Françoise Gautier (f), Laurence Cattolico (e), Michel Beckert (c), Sébastien Aubourg (b) Jean
Weissenbach (g), Michel Caboche (b), Michel Bernard (c), Philippe Leroy (c) and Boulos Chalhoub (b).
-a Institut National de la Recherche Agronomique - Centre de Cooperation Internationale en Recherche
Agronomique pour le Développement, Biotrop, F-34398 Montpellier Cedex 5, France
-b équipe Organisation des génomes de plantes cultivées, Unité de Recherches en Génomique, Végétale-Institut
National de la Recherche Agronomique, F-91057 Evry Cedex, France
-c Unité Mixte de Recherche 1095-Institut National de la Recherche Agronomique Amélioration et Santé des
Plantes, Domaine de Crouël, F-63039 Clermont-Ferrand Cedex 2, France
-d Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization Plant Industry, ACT 2601, Camberra, Australia
-e GENOSCOPE, Centre national de séquençage, F-91057 Evry Cedex, France
-f Institut National de la Recherche Agronomique-Unité Mixte de Recherche, Polymorphismes d’Intérêt
Agronomique, 34060 Montpellier Cedex 01, France
-g GENOSCOPE, Centre national de séquençage, CNRS, Unité Mixte de Recherche 8030, 2 rue Gaston Crémieux,
91057 EVRY Cedex

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