France
May 24, 2007
La production de pommes de terre
biologiques s’appuie actuellement sur des variétés sélectionnées
à l’origine pour l’agriculture conventionnelle. Mais ces
variétés sont-elles adaptées à l’agriculture biologique ? Afin
de définir les facteurs importants pour l’adaptation à ce mode
de culture, une expérimentation coordonnée par des chercheurs de
l’INRA sur un ensemble de
variétés de pommes de terre a pris en compte différents milieux
climatiques et différents types de production. Les caractères
d’intérêt tels que les résistances aux bio-agresseurs, la
qualité et le rendement ont été mesurés. Il en ressort qu’aucune
des variétés étudiées n’a répondu complètement aux exigences de
l’agriculture biologique.
L'agriculture biologique a connu un développement rapide ces
dernières années, en raison d'un intérêt accru manifesté par les
consommateurs et les opérateurs commerciaux. La pomme de terre
est particulièrement concernée par cette évolution.
Jusqu'à présent les variétés cultivées par les producteurs
biologiques sont les mêmes qu'en agriculture conventionnelle,
c'est-à-dire celles qui ont un succès commercial. Ces variétés
ont été sélectionnées principalement pour leurs caractères de
qualité et leur productivité, beaucoup moins pour leur
résistance aux parasites. Cependant le cahier des charges de
l’agriculture biologique oblige à des règles plus strictes en
termes de protection phytosanitaire des cultures, de méthodes de
conservation des produits et de production des semences. Un
accroissement des rendements est également nécessaire pour
améliorer le niveau de rentabilité de ces cultures.
Une étude croisant génotype et environnement
Des chercheurs de l’INRA, l’Aval-douar Beo, l’ITAB et des
structures professionnelles comme la FNPPPT, ont mis en place en
2000 et 2001 une expérimentation en culture biologique portant
sur 9 génotypes représentatifs d’une variabilité génétique
prenant en compte différents milieux agroclimatiques localisés
en Bretagne, Vaucluse et Nord-Pas-de-Calais, pour des cultures
de pommes de terre destinées à la consommation et à la
production de plants. Le matériel génétique a été choisi de
manière à couvrir une assez large variabilité (durée de cycle de
végétation, résistance au mildiou, aptitude à la conservation…).
Les chercheurs ont observé et mesuré la vitesse de levée, le
type de maturité, le rendement (poids brut, poids commercial,
nombre de tubercules…), la résistance aux bio-agresseurs. Sur
des échantillons prélevés dans les essais, ils ont également
réalisé une évaluation systématique des caractères de qualité
(teneur en matière sèche, tenue à la cuisson, degré de
noircissement à la cuisson, aptitude à la friture, qualité
gustative).
Le but de cette étude n’était pas de comparer la performance
relative des variétés en conditions de culture biologique, mais
d’identifier les éventuels caractères-clés de l’adaptation à ce
type de culture. Elle cherchait à préciser les principaux
caractères d’adaptation de la pomme de terre dans des contextes
agro-climatiques et d’utilisation correspondant à plusieurs
situations en agriculture biologique, ce qui pourrait dans un
premier temps aider à un choix parmi les cultivars existants,
puis enrichir les connaissances scientifiques sur la diversité
de comportement en agriculture biologique et les stratégies de
résistance aux bioagresseurs.
Trois caractéristiques-clés mises en évidence
Aucun des génotypes expérimentés n’a répondu suffisamment aux
exigences de l’agriculture biologique dans le contexte
agro-climatique local.
D’après cette étude, les caractères importants, en fonction des
spécificités de l’agriculture biologique, sont la résistance au
mildiou, l’aptitude à la conservation et le type de maturité.
La résistance au mildiou
La situation en climat typiquement océanique du lieu
d’expérimentation met en évidence l’importance de la résistance
au mildiou. Par contre, des études conduites en milieu
continental montrent l’impact d’autres facteurs limitants tels
que la nutrition azotée des plantes, mais l’importance mondiale
du mildiou et les restrictions annoncées d’emploi des produits
cupriques obligeront à considérer la résistance à ce parasite
comme un critère de choix variétal incontournable.
Le type de maturité
Plus une plante est vigoureuse, plus elle est tardive et ce
caractère paraît aussi intervenir dans la résistance au mildiou
(capacité de développer plus longtemps de nouvelles feuilles
après destruction des feuilles précédentes par le parasite).
Cependant l’inconvénient des génotypes tardifs est qu’ils
initient leurs tubercules après les génotypes plus précoces, et
que la période de grossissement de ces tubercules peut être
écourtée (plus fortes attaques de mildiou et premières gelées
automnales en fin de cycle de végétation). On peut néanmoins se
demander si les inconvénients de cette tardiveté ne seront pas
pondérés en culture biologique par un moindre niveau de
fertilisation qu’en culture conventionnelle. Les variétés
tardives resteront sans doute plus vigoureuses, donc
potentiellement plus productives que les variétés plus précoces,
et leur système racinaire sera vraisemblablement plus développé
et plus profond, ce qui augmentera leur tolérance vis à vis des
stress abiotiques.
Vers une sélection de variétés spécifiques pour l’agriculture
biologique ?
Actuellement, la sélection de variétés spécifiques destinées au
secteur biologique ne s'impose pas si l’on considère que
quelques unes des variétés étudiées paraissaient acceptables et
que le marché pour des cultivars spécifiques est limité, ce qui
ne laisse pas entrevoir de retour d’investissement pour les
sélectionneurs. D’autre part, il n’est pas certain que des
variétés bien adaptées au point de vue cultural répondent
forcément aux exigences du marché.
En revanche, si la production de pommes de terre cultivées en
agriculture biologique est destinée à augmenter, des variétés
mieux adaptées seront nécessaires, et en particulier des
variétés possédant des niveaux de résistance aux parasites et
ravageurs supérieurs à ceux des variétés actuelles.
De plus, des variétés spécifiques pourront apporter des signes
de reconnaissance de l’agriculture biologique et participer à
son image de marque. |
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